La motivation des étudiants à l’université
Rolland
Viau
Université de Sherbrooke - Canada
Cette conférence
a pour but de réfléchir sur la problématique de la motivation des étudiants à
l’université. Dans un premier temps, nous formulerons comme hypothèse que ce
problème réside non pas dans un manque de motivation des étudiants à leur
arrivée à l’université, mais dans sa diminution tout au long de leurs études.
Dans un deuxième temps, à l’aide d’un modèle motivationnel et de données issues
de trois études, nous formulerons des hypothèses quant à la baisse de cette
motivation. Ensuite, nous examinerons un des facteurs qui agit sur la
motivation des étudiants, les activités pédagogiques. Nous proposerons alors
des conditions à respecter, rattachées à ces activités, sur lesquelles pourront
se fonder les professeurs qui désirent aider leurs étudiants à maintenir leur
motivation tout au long de leurs études.
Le problème :
une diminution de la motivation chez les étudiants
La problématique
de la motivation des étudiants ne se présente pas de la même façon à
l’université qu’au secondaire. Alors qu’un grand nombre d’élèves souffre de
démotivation dès leur arrivée au secondaire, les étudiants universitaires,
quant à eux, entrent généralement à l’université avec une forte motivation. Or,
celle-ci décroît au fil des ans.
Nos études menées
auprès d’étudiants du Québec confirment cette tendance. Dans deux études
différentes, nous leur avons demandé d’exprimer sur une échelle de un à dix
leur degré de motivation à suivre leurs cours. Le tableau I
présente les résultats obtenus lors de la première étude menée auprès de 4039
étudiants de premier cycle (Bédard et Viau, 2001). L’examen de ces résultats
permet de constater que les étudiants qui débutent (deux sessions ou moins)
affirment avoir une motivation élevée à suivre leurs cours (7,66), alors que
ceux qui terminent (cinq sessions et plus) se disent moins motivés (6,66).
L’écart entre ces différents groupes d’étudiants est statistiquement
significatif.
Tableau I : Degré de motivation ( / 10)
des étudiants selon le nombre de sessions d’étude
Tous
(n = 4039) |
0-2 sessions
(n = 2346) |
3-4 sessions
(n = 754) |
5 et +
(n = 606) |
Nombre de sessions inconnu
(n = 333) |
7,42 |
7, 66 |
7,23 |
6,66 |
7,57 |
Dans
la deuxième étude, faite dans une école de génie, nous avons demandé également
aux étudiants de nous exprimer leur degré de motivation à suivre leurs cours,
mais aussi de nous signifier le plaisir qu’ils ressentaient à étudier dans
cette école. Le tableau II contient les résultats de cette enquête (Viau,
Prégent et Forest, 2004).
Comme
on peut le voir, l’ensemble des répondants situe leur degré de motivation à
suivre leurs cours à 6,70. Ce sont les débutants qui expriment la plus grande
motivation (6,99); celle-ci baisse par la suite pour se trouver à son plus bas
niveau chez les étudiants ayant accumulé entre 61 et 90 crédits (6,33). Sur le
plan statistique, la seule différence significative se situe entre ces deux
groupes.
Tableau II : Degré (/ 10)
de motivation et plaisir éprouvé
|
Moyenne générale
(n = 928) |
Aucun crédit (débutants)
(n = 282) |
Entre 15 et 30 crédits
(n = 226) |
Entre 31 et 60 crédits
(n = 143) |
Entre 61 et 90 crédits
(n = 171) |
Entre 91 et 120 crédits
(n = 106) |
Degré
de motivation à suivre les cours |
6,70
|
6,99
|
6,53
|
6,71
|
6,33
|
6,65
|
Plaisir
ressenti dans les études à l’École
Polytechnique |
5,87
|
6,38
|
5,99
|
5,64
|
5,19
|
5,42
|
Cette tendance à la baisse se maintient lorsqu’on
examine le plaisir que les étudiants expriment au regard de leur vie à l’école
de génie. Comme pour le degré de motivation, les étudiants qui débutent sont
ceux qui ont le plus de plaisir (6,38), alors que ceux qui en ont le moins sont
ceux qui ont obtenu entre 61 et 90 crédits (5,19). Ces derniers se distinguent
sur le plan statistique des étudiants qui débutent et de ceux qui ont accumulé
entre 15 et 30 crédits.
Ces résultats nous montrent que le défi que les
professeurs d’université doivent relever ne consiste pas à susciter la
motivation initiale des étudiants, qui est somme toute assez élevée, mais à la
maintenir tout au long de leur parcours académique.
Quelles peuvent
être les raisons de cette diminution de la motivation?
Pour certains étudiants,
cette baisse de motivation peut être due à de «l’essoufflement» ou encore un
symptôme d’un semestre particulièrement chargé et difficile. Pour d’autres
étudiants, des changements d’ordre personnel peuvent être à l’origine de leur
baisse de motivation; par exemple des difficultés financières ou familiales. Toutefois,
nous sommes portés à penser que dans un bon nombre de cas, ce sont des facteurs
relatifs aux cours suivis par les étudiants qui sont à l’origine de leur
démotivation. Les principaux facteurs dont traite la littérature scientifique
sont : les activités pédagogiques, les pratiques évaluatives, la relation
avec l’enseignant, le climat de la classe et, pour les niveaux primaire et
secondaire, les systèmes de récompenses et de sanctions (Viau, 1999).
Dans nos travaux
sur les étudiants universitaires, nous nous sommes attardés à l’influence des
activités pédagogiques sur la dynamique motivationnelle. Pour mieux comprendre
comment ces activités peuvent influer sur la motivation des étudiants, nous avons
utilisé un modèle développé dans le cadre de nos études sur la motivation
(Viau, 1998). La figure I présente ce modèle.
Figure I :
Ce modèle décrit
la dynamique motivationnelle qui anime un étudiant lorsqu’il accomplit une
activité pédagogique. Cette dynamique prend principalement son origine dans
trois perceptions qu’un étudiant a de l’activité pédagogique qui lui est
proposée :
a) la perception qu'il a de la valeur de
l’activité : le jugement qu'un étudiant porte sur l'intérêt et l'utilité
d'une activité pédagogique en fonction des buts qu'il poursuit (Eccles,
Wigfield, et Schiefele, 1998);
b) la perception qu’il a de sa compétence :
la perception qu’il a de lui-même et par laquelle il évalue sa capacité à
accomplir de manière adéquate une activité qu’il n’est pas certain de réussir
(Pajares, 1996; Bandura, 1986);
c) la perception qu’il a de la
contrôlabilité : le sentiment de contrôle qu’il exerce sur le déroulement
d’une activité et sur ses conséquences (Viau, 1998).
Si ces perceptions sont
élevées, l’étudiant sera motivé, ce qui aura pour conséquence qu’il choisira de s'engager cognitivement dans
une activité pédagogique qui lui est proposée et persévérera. Si ces
perceptions sont faibles, il sera démotivé, ne s’engagera pas dans cette
activité et ne persévérera pas. L'engagement
cognitif correspond au degré d'effort mental que l’étudiant déploie lors de
la réalisation d'une activité pédagogique (Salomon, 1983). La persévérance se traduit par le temps qu’il consacre à accomplir une
activité pédagogique; la réussite est
la conséquence finale de la motivation. Généralement, un étudiant qui s’engage
et persévère réussit. Notons, par ailleurs, que si la réussite est une
conséquence de la motivation, elle en est également une source, car elle
influence les perceptions de l'étudiant qui, comme nous l’avons souligné
précédemment, sont à l'origine de sa motivation.
L’influence des activités
pédagogiques sur les trois perceptions
Première
étude : une université
Dans
notre première étude (Bédard et Viau, 2001), nous avons voulu savoir quelles
étaient les perceptions que les étudiants entretenaient à l’égard de six
activités pédagogiques[1].
Le tableau III présente les résultats obtenus.
Tableau III: Moyennes
obtenues (/5) pour les trois perceptions en fonction des activités pédagogiques
choisies par les étudiants
|
Approche par
projet
(n = 1032) |
Études de cas
(n = 688) |
Approche par
problèmes
(n= 852) |
Atelier
(n=1095) |
Séminaire de
lecture
(n= 273) |
Exposé
(n= 4433) |
Motivation
générale |
4,28 |
4,11 |
4,05 |
4,01 |
3,61 |
Non disponible[2] |
Perception de
l’utilité de l’activité |
4,20 |
4,13 |
4,19 |
3,97 |
3,87 |
3,81 |
Perception de
sa compétence |
4,30 |
4,32 |
4,37 |
4,27 |
4,34 |
4,22 |
Perception de
la contrôlabilité du déroulement de l’activité |
3,74 |
3,43 |
3,44 |
3,50 |
3,34 |
2,82 |
Lorsqu’on
examine la motivation générale des
étudiants au premier cycle, on constate que l’approche par projet est
l’activité qui les motive le plus (4,28), suivie de l’étude de cas (4,11), de
l’approche par problèmes (4,05) et des ateliers (4,01). L’activité qui suscite
le moins de motivation chez les étudiants est le séminaire de lecture (3,61).
Est-ce dû au fait que les étudiants doivent lire et travailler seuls pour se
préparer à la discussion, ou plutôt au fait que les lectures proposées ne
correspondent pas à leurs attentes ? Les résultats de l’enquête ne
permettent malheureusement pas de répondre à cette question.
La
motivation générale exprimée à l’égard de ces situations d’enseignement se
confirme lorsqu’on examine les trois perceptions qui sont à la source de la
dynamique motivationnelle des étudiants. En effet, l’approche par projet, les
études de cas et l’approche par problèmes sont les activités que les étudiants
perçoivent comme étant les plus utiles. Face à ses trois activités, la
perception qu’ont les étudiants de leur compétence à les accomplir et leur
perception de la contrôlabilité de leur déroulement sont également élevées.
Lorsque l’on examine la nature de ces activités pédagogiques, on remarque
qu’elles se caractérisent par un niveau élevé de participation, de
collaboration et d’initiatives de la part de l’étudiant. Elles se caractérisent
également par le fait qu’elles proposent aux étudiants des situations
authentiques, c’est-à-dire des situations qui ressemblent à celles qu’ils
seront susceptibles de rencontrer dans leur future vie professionnelle.
Comme on
pouvait l’imaginer, l’exposé vient au dernier rang. Tout en se sentant assez
compétents pour apprendre lors des exposés, les étudiants ont de la difficulté
à en percevoir l’utilité et leur sentiment de pouvoir contrôler leur
déroulement est faible.
Deuxième étude : une faculté professionnelle
(faculté d’éducation)
De l’ensemble des sujets de la première étude, nous
avons extrait les étudiants de la faculté d’éducation. Soulignons qu’au Québec,
le rôle des facultés d’éducation est de former les futurs enseignants. Nous
avons voulu savoir si on observait les mêmes tendances dans une faculté
professionnelle que dans l’ensemble des facultés de l’université étudiée[3].
Le tableau IV donne les résultats obtenus (Viau, Joly et Bédard, 2004).
Tableau IV : Moyennes ( /5) pour les trois perceptions en
fonction des activités pédagogiques choisies par les étudiants de
Perceptions |
Atelier
(n = 411) |
Approche par projet
(n = 282) |
Étude de cas
(n = 191) |
Séminaire de lecture
(n = 88) |
Approche par problèmes
(n = 56) |
Fdln/dld,p
Comparaisons multiples (Bonferroni) |
Utilité de l’activité |
3,92
|
4,25
|
4,19
|
3,82
|
3,98
|
F4,1020=18,08
P<0,001
1 et 4 < 2 et
3
5 < 2 |
Compétence à apprendre par cette activité |
4,31
|
4,40
|
4,38
|
4,33
|
4,33
|
F4,1019=1,87
P=0,113
|
Contrôlabilité de son déroulement |
3,52
|
3,98
|
3,54
|
3,41
|
3,31
|
F4,1020=17,14
P<0,001
2 > 1,3,4 et
5 |
Comme on peut le
remarquer dans ce tableau, l’apprentissage par projet est l’activité
pédagogique qui est perçue par les étudiants comme étant la plus utile, dans
laquelle ils se sentent le plus compétents et sur laquelle ils ont le sentiment
d’avoir le plus de contrôle. L’apprentissage par études de cas vient au second
rang, alors que les séminaires de lecture, activité très appréciée par les
professeurs d’université, vient au dernier rang. Selon nous, ces résultats
viennent confirmer, d’une part, que les perceptions des étudiants dans une faculté
professionnelle varient en fonction des activités pédagogiques qui leur sont
proposées et, d’autre part, qu’il importe de se pencher sur les conditions
motivationnelles que ces activités doivent rencontrer pour améliorer les trois
perceptions qui sont à la source de la dynamique motivationnelle des étudiants.
Avant d’examiner ces conditions, examinons les résultats d’une dernière étude.
Troisième étude : une faculté professionnelle
(génie)
Lors de notre
étude menée dans une école de génie (Viau, Prégent et Forest, 2004), nous avons
demandé aux répondants d’indiquer le degré d’utilité qu’ils accordaient aux
activités pédagogiques d’abord pour bien
comprendre la matière
enseignée et, par la suite, pour exercer leur future profession. Le
tableau V présente les moyennes obtenues pour chacune des situations qui leur
ont été proposées.
Tableau V : Degré
d’utilité ( /10) des activités pédagogiques
Situations
pédagogiques |
Degré
d’utilité pour bien comprendre la matière enseignée |
Degré d’utilité
pour exercer sa future profession |
Exposés du professeur |
7,54
(n = 989)[4] |
6,11
(n = 933) * |
Travaux dirigés, travaux pratiques ou
laboratoires |
8,35
(n = 983) |
7,26
(n = 942) * |
Projets trimestriels en équipe |
7,09
(n = 958) |
8,00
(n = 941) * |
Discussions en classe |
6,63
(n = 943) |
6,48
(n = 911) |
Conférences par des professionnels |
5,37
(n = 797) |
8,54
(n = 826) * |
Rédaction d’un rapport technique |
6,59
(n = 924) |
8,10
(n = 914) * |
Rédaction d’un travail théorique |
7,00
(n = 934) |
6,50
(n = 907) * |
Exposé devant les autres étudiants |
5,43
(n = 951) |
8,01
(n = 936) * |
* p < 0,05
En regardant le
tableau V, on peut constater que les répondants font une distinction importante
entre l’utilité d’une activité pédagogique pour la compréhension de la matière
et son utilité pour l’exercice de leur future formation. Ainsi, les deux
activités pédagogiques les plus utiles pour leur compréhension de la matière
sont : les travaux dirigés, pratiques et les laboratoires (8,35), et les
exposés du professeur (7,54). Pourtant, ces activités ne sont pas considérées
par les répondants comme étant très utiles pour l’exercice de leur future
profession. Les activités qu’ils estiment utiles pour leur profession sont
plutôt les conférences données par un professionnel (8,54), la rédaction de rapports
techniques (8,10), les exposés des étudiants devant leurs collègues (8,01) et
le projet trimestriel (8,0).
Les résultats
obtenus démontrent qu’il ne faut pas tenir pour acquis que les activités pédagogiques,
dites participatives et qui rendent compte de la réalité professionnelle, susciteront
d’emblée la motivation des étudiants. Si ces étudiants visent principalement
l’acquisition de connaissances, ils ne verront pas l’utilité des activités
pédagogiques centrées sur la professionnalisation. Les professeurs devront donc
prendre le temps d’une part, de valoriser ces activités pédagogiques en leur
accordant eux-mêmes toute l’importance qu’elles ont, et d’autre part, de montrer à
leurs étudiants à quel point elles peuvent être utiles pour leur formation
professionnelle.
Que pouvons-nous faire pour proposer des activités
pédagogiques qui favoriseront la dynamique motivationnelle des étudiants?
Les résultats
présentés à la section précédente démontrent à quel point il est important pour
les professeurs d’université de réfléchir sur les activités pédagogiques qu’ils
proposent à leurs étudiants et de se demander dans quelle mesure elles
contribuent à maintenir leur motivation tout au long de leurs études. Pour
qu’une activité pédagogique puisse susciter et maintenir la motivation des
étudiants, il faut qu’elle respecte certaines conditions (Stipek, 1998; Paris et Turner, 1994;
McCombs et Pope, 1994; Brophy, 1998). Voici les dix plus importantes.
·
Être signifiante aux
yeux de l’étudiant
Une activité est signifiante
pour un étudiant dans la mesure où elle correspond à ses intérêts, s’harmonise
avec ses projets personnels et répond à ses préoccupations. Cette condition
influence particulièrement la perception qu’a l’étudiant de la valeur qu’il
accorde à une activité. Ainsi, plus une activité est signifiante, plus
l’étudiant la juge intéressante et utile.
·
Être diversifiée et
s’intégrer aux autres activités
La diversité doit d’abord se
retrouver dans le nombre de tâches à accomplir à l’intérieur d’une même
activité. Une activité qui nécessite l’exécution d’une seule tâche (par
exemple, l’application répétitive d’une procédure ou d’un algorithme) est
généralement peu motivante aux yeux des étudiants.
Les activités retenues
doivent également être variées. La répétition d’une même activité jour après
jour peut être une source de démobilisation pour l’étudiant en raison de son
caractère routinier. Cette condition touche particulièrement la perception que
l’étudiant a du contrôle qu’il exerce sur ses apprentissages. Si l’étudiant est
invité à accomplir différentes activités et si, par surcroît, il a la
possibilité de choisir celles qui lui conviennent le mieux, il aura le
sentiment d’exercer un certain contrôle sur ce qui se déroule en classe.
Enfin, une activité doit être
intégrée à d’autres activités, c’est-à-dire qu’elle doit s’inscrire dans une
séquence logique. Pour que l’étudiant perçoive la valeur d’une activité, il
faut qu’il puisse facilement constater que cette dernière est directement
reliée à celle qu’il vient d’accomplir et à celle qui suivra. Il sera plus
facile de proposer des activités aux étudiants si elles se situent dans un
projet ou dans une démarche pédagogique.
·
Représenter un défi
pour l’étudiant
Une activité constitue un
défi pour l’étudiant dans la mesure où elle n’est ni trop facile, ni trop
difficile. Ainsi, un étudiant se désintéresse rapidement d’un succès qui ne lui
a coûté aucun effort ou d’un échec dû à son incapacité à réussir une activité.
Cette condition influe sur la perception que l’étudiant a de sa compétence car,
s’il réussit à relever le défi, il aura tendance à attribuer son succès non pas
au peu de complexité de l’activité, mais à ses propres capacités et à ses
efforts.
·
Être authentique
Une activité pédagogique
doit, dans la mesure du possible, mener à une réalisation, c’est-à-dire à un
produit qui ressemble à ceux que l’étudiant trouvera dans sa future vie
professionnelle. En fait, il est important d’éviter, dans la mesure du
possible, de faire en sorte que l’étudiant ait le sentiment de devoir accomplir
un travail qui présente de l’intérêt seulement pour son professeur et qui n’est
utile qu’à des fins d’évaluation. La réalisation d’un produit authentique
améliore la perception que l’étudiant a de la valeur qu’il accorde à ce qu’il
fait.
·
Exiger un engagement
cognitif de la part de l’étudiant
Un étudiant sera motivé à
accomplir une activité si celle-ci exige de sa part un engagement cognitif.
C’est ce qui se passe lorsqu’il utilise des stratégies d’apprentissage qui
l’aident à comprendre, à faire des liens avec des notions déjà apprises, à
réorganiser à sa façon l’information présentée, à formuler des propositions,
etc. Cette condition est reliée à la perception que l’étudiant a de sa
compétence, car elle lui demande d’investir toutes ses capacités dans la
réussite d’une activité. Il faut évidemment que l’engagement cognitif exigé
corresponde à ce que l’étudiant est en mesure d’offrir pour permettre la
réussite de l’activité en question.
·
Responsabiliser
l’étudiant en lui permettant de faire des choix
Plusieurs
aspects d’une activité, tels que le thème d’un travail, le matériel, la désignation
des membres de l’équipe, sa durée, son mode de présentation, son échéancier,
etc., peuvent être laissés à la discrétion de l’étudiant. Il revient toutefois
à l’enseignant de décider quels éléments de l’enseignement et de
l’apprentissage demeureront sous sa responsabilité et quels seront ceux dont il
pourra déléguer la responsabilité à l’étudiant. La possibilité de faire des
choix améliore la perception que l’étudiant a de sa capacité à contrôler ses
apprentissages. Une activité risque de devenir démotivante si elle exige de
tous les étudiants qu’ils accomplissent les mêmes tâches, au même moment et de
la même façon.
·
Permettre à
l’étudiant d’interagir et de collaborer avec les autres
Une activité pédagogique
doit se dérouler dans une atmosphère de collaboration et amener les étudiants à
travailler ensemble pour atteindre un but commun. L’apprentissage coopératif est fondé sur le
principe de la collaboration et suscite généralement la motivation de la
majorité des étudiants, car il améliore la perception qu’ils ont de leur
compétence et de leur capacité à contrôler leurs apprentissages. Des activités centrées sur la compétition
plutôt que sur la collaboration ne peuvent motiver que les plus forts,
c’est-à-dire ceux qui ont des chances de gagner.
·
Avoir un caractère
interdisciplinaire
Pour amener l’étudiant à
voir la nécessité de maîtriser la matière d’un cours, il est souhaitable que
l’apprentissage de cette matière à travers les activités pédagogiques tienne
compte de la matière des autres cours du programme. Cette intégration aide
l’étudiant à se rendre compte que les connaissances acquises dans un cours ne
sont pas seulement utiles pour réussir ce cours, mais qu’elles sont profitables
à l’ensemble de sa formation.
·
Comporter des
consignes claires
L’étudiant
doit savoir ce que l’enseignant attend de lui. Ainsi, il ne perdra pas de temps à
chercher à comprendre ce qu’il doit faire. Des consignes claires contribuent à
réduire l’anxiété et le doute que certains étudiants éprouvent quant à leur
capacité à accomplir ce qu’on leur demande.
·
Se dérouler pendant
une période de temps suffisante
La durée prévue pour
réaliser une activité effectuée en classe devrait correspondre au temps réel
qu’une tâche équivalente requiert dans la vie professionnelle. En effet, il est
très important que l’étudiant n’ait pas l’impression qu’il peut s’arrêter de travailler parce que le temps
est écoulé. Le fait d’accorder à l’étudiant le temps dont il a besoin l’aide à
porter un jugement positif sur sa capacité à faire ce qui est exigé de lui. Le
pousser à agir rapidement ne peut que l’amener à éprouver de l’insatisfaction
et à hésiter à s’investir dans une autre activité, de peur de ne pas la
terminer à temps.
Conclusion
Dans cette conférence,
nous avons voulu démontrer que les problèmes de motivation à l’université
devraient être abordés sous l’angle du maintien, c’est-à-dire des efforts qui
doivent être consacrés pour aider les étudiants à conserver une forte
motivation tout au long de leurs études.
Un des portes
d’entrée offerte aux professeurs pour maintenir la motivation de leurs
étudiants sont les activités pédagogiques qu’ils leur proposent. Ces activités
doivent influer de façon positive sur la valeur que les étudiants leur
accordent (perception de l’utilité), sur leur perception de leur compétence à
les accomplir et sur leur sentiment de contrôlabilité de leur déroulement. Pour
ce faire, nous avons proposé dix conditions à rencontrer. Un professeur peut
souhaiter que toutes ses activités pédagogiques remplissent ces dix conditions.
Il serait toutefois plus réaliste qu’il se fixe cet objectif pour des projets
ou des démarches pédagogiques complètes intégrant une séquence de plusieurs
activités.
Enfin, on ne doit
pas perdre de vue qu’il existe d’autres portes d’entrée pour atteindre la
motivation des étudiants, notamment les pratiques évaluatives des professeurs,
et eux-mêmes, à travers leurs attitudes et leurs relations avec les étudiants.
Références
Bandura, A. (1986).
Social Foundations of Thought and Action: A Social Cognitive Theory. Englewood Cliffs (N. J.): Prentice-Hall.
Bédard, D. et Viau, R. (2001). Le
profil d’apprentissage des étudiantes et des étudiants de l’Université de
Sherbrooke : résultats de l’enquête menée au trimestre d’automne 2000.
Manuscrit non publié, Université de Sherbrooke, Vice-rectorat à l’enseignement.
Sherbrooke, Qc.
Brophy, J. (1998). Motivating students to learn,
Eccles, J. S.,
Wigfield, A. et Schiefele, U. (1998). Motivation to succeed. In W. Damon (dir.), Handbook of Child Psychology vol 3, (p. 1017-1095).
Mc Combs,
B. L. et J. E. Pope (1994). Motivating hard to
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Pajares, F. (1996).
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Paris, S. G. et J.
C. Turner (1994) Situated motivation. In P. R. Pintrich, D. R. Brown et C. E.
Weinstein (dir.), p. 213-237. Student motivation,
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Stipek, D. (1998). Motivation to learn : From theory to
pratice,
Salomon (1983). The differential investment of mental effort
in learning from different sources. Educational Psychologist, 18, 42-50.
Viau, R. (1998). La motivation en contexte scolaire.
Bruxelles : Éditions de De Boeck ( 2e édition)
Viau, R. (1999). La
motivation dans l’apprentissage du français. St-Laurent (Qc): Éditions du
Renouveau pédagogique Viau, R., Joly, J, et Bédard, D. (2004). La motivation
des étudiants en formation des maîtres à l’égard d’activités pédagogiques
innovatrices. Revue des Sciences de
l’Éducation, 30(1), 163-176.
Viau, R., Prégent, R.
et Forest, L. (2004). Les façons d’apprendre des étudiantes et des étudiants
de baccalauréat à l’École Polytechnique de Montréal. Bureau d’appui
pédagogique, Direction de l’enseignement et de la formation. École
Polytechnique.
Annexe I : Définitions des
activités données aux étudiants lors de l’enquête en 2001
Activités |
Atelier
(Rencontre d’équipes
après un exposé du professeur afin d’effectuer des exercices ou des travaux
portant sur les notions étudiées pendant le cours) |
Approche par projet
(Réalisation d’un projet
d’équipe qui comporte les mêmes étapes et les mêmes contraintes que dans la
vie professionnelle) |
Étude de cas
(Analyse en classe d’une
activité se rapprochant de la réalité) |
Séminaire de lecture
(Préparation d’un compte
rendu de lectures et présentation à des collègues) |
Apprentissage par problèmes
(Recherche de notions
théoriques nécessaires à la compréhension d’un problème et éventuellement à
sa résolution) |
[1] On trouvera à l’annexe I, les définitions des
activités pédagogiques qui ont été données aux étudiants.
[2] Les tests menés lors de la validation du questionnaire nous ont amenés à rejeter l’énoncé proposé aux étudiants pour exprimer leur motivation générale à l’égard des exposés.
[3] Pour la faculté d’éducation, seules les activités demandant une participation active de l’étudiant ont été examinées. C’est pour cette raison que le tableau IV ne tient pas compte des exposés.
[4] Le nombre de répondants varie à chaque
moyenne, car il était possible pour chaque situation de cocher une case «je ne peux pas me prononcer».
ZERAIBI Akim - Ingénieur en Sciences de l'éducation